Le blog d’un chercheur et formateur en histoire de l’art

Le blog d’un chercheur et formateur en histoire de l’art
en Provence… et ailleurs


L’art où, par qui, et comme il s’est fait.
Les articles régulièrement postés ici rendent compte d’une activité de recherche, de publication et de conception d’outils pédagogiques.
Ce blog déroule une vision concrète et sensible de l’histoire de l’art entrevue dans ses relations de proximité avec un territoire, avec des artistes parfois surpris dans leur travail d’atelier.
Une collection de monographies sur des peintres méconnus invite à (re)découvrir un patrimoine parfois insoupçonné en Provence. Des publications et des conférences en communiquent les récentes mises à jour. Des dossiers d’étude à destination des collectivités contribuent à la connaissance, aux décisions de conservation et aux choix de mise en valeur d’œuvres longtemps ignorées voire remisées.
Un ensemble de supports et matériels pédagogiques s’adresse à des publics divers, allant de l’outil de médiation à l’objet de formation.

Patrick Varrot
Formation, recherches et publications en histoire de l'art
Marseille
Pour tout contact: patrick.varrot@wanadoo.fr

vendredi 10 janvier 2020

Dossiers d’étude

Le château et le domaine de La Colle Noire d’après les papiers des familles Poulle et Reibaud. Dossier d’étude sur une partie du fonds Louis Jourdan conservé aux Archives départementales des Alpes-Maritimes.

Novembre 2019

Quelques mois après la disparition de Christian Dior, le romancier et critique d'art Paul Guth consacrait en 1958 un article à son château de La Colle Noire récemment (et profondément) rénové. « Avant tout il voulut donner l'impression qu'on avait habité là, sans arrêt, depuis le XVIIIe siècle et que chaque propriétaire, au gré de son humeur et des modes de son temps, avait effectué telle ou telle modification ». Ces quelques indications lui ont de toute évidence été données par l'architecte André Svetchine qui a procédé à la métamorphose architecturale des lieux englobant une mystérieuse « tour » datée du XVe siècle faute de documentation historique. Entre décembre 2018 et mars 2019 était mise en œuvre une étude sur le tableau, le décor et le mobilier de la chapelle Saint-Barthélemy, satellite volontairement détaché du domaine de La Colle Noire par Christian Dior en 1953. Selon la même démarche et les mêmes méthodes, Guillaume Garcia-Moreau, responsable du site patrimonial, a souhaité poursuivre les travaux d'une recherche historique sur ledit domaine et son château acquis par les Parfums Christian Dior en 2013. Fondée sur le dépouillement des sources archivistiques, leur confrontation à des connaissances pluridisciplinaires et à un patrimoine monumental et artistique, bref matériel, elle s'intéresse dans ce volet à la personne d'Henri-Emmanuel Poulle, considéré comme fondateur, à l'exact milieu du XIXe siècle, de « La Colle Noire ». L'histoire de la propriété de cet avocat, député et conseiller général, lui ressemblait, somme toute. Du moins d'après la seule image que pouvait générer la trame de ses biographies officielles. Les quelques publications sur les origines de cette résidence de campagne, n'en ont, de ce fait et jusqu'à présent, retenu qu'une histoire très administrative, juridique et notariale. Elle se résume pour l'essentiel à la succession de ses propriétaires et à un état cadastral figé dans le temps. Ce temps demeure en l'occurrence celui des géomètres et des percepteurs, court et cerné entre 1839 et 1840, avec quelques fébriles mouvements de curseur enregistrant des évolutions légales et fiscales déclarées en 1850 et 1861, pour des modifications finalement assez mal identifiées… toujours faute de documentation historique. L'intuition de Christian Dior ne pouvait-elle cependant trouver meilleure confirmation ? On a pourtant bien, pour la période concernée, « habité là, sans arrêt », et le propriétaire y a bien procédé à des modifications « au gré de son humeur et des modes de son temps », à quelques restrictions près. En 2016 était exploité un des dossiers du fonds Louis Jourdan versé aux Archives départementales des Alpes-Maritimes par l'époux d'une arrière-petite-fille d'Henri-Emmanuel Poulle. Par son intitulé focalisé sur « La Colle Noire », le « 8 J 416 » a été repéré dans l'inventaire de ces archives familiales publié en 1992, mais côtoie en réalité cinquante-deux autres articles aux noms de personnes en lien avec le domaine, comme la dame Ravanas, épouse dudit Poulle, Pauline Poulle épouse Reibaud, leur fille, et Félix Reibaud, leur gendre antibois pour ne citer que les propriétaires. Apparaîtront au fil du dépouillement Ferdinand et Félix Poulle, frères du principal concerné et véritables chevilles ouvrières oubliées de celle qu'on ne dénomme que « La Colle » jusqu'aux environs de 1850, mais aussi des parents, des alliés, des amis, des proches, des fermiers au sens premier du terme, des artisans, des maîtres d'ouvrage, un architecte… Ainsi, les cinquante-trois dossiers, soit le mètre et demi linéaire d'archives concernant les familles Poulle et Reibaud, se sont-ils avérés gisement de matière première pour l'histoire de La Colle Noire comme création paysagère, architecturale, et cadre d'une vie saisie dans ses moindres détails et sa quotidienneté, à travers cent trente documents transcrits en annexe de l’étude. Au fil des pages et des pièces extraites du fonds Louis Jourdan, se sont révélées les grandes heures de La Colle Noire sous la plume de son fondateur. Au détour d'une note est apparu un « colombier central », point de départ de l'identification du noyau de la bâtisse originelle, puis de la localisation d’un relais de poste déjà bien connu. A la faveur d'un modeste pense-bête a émergé le premier « cabinet » comme pièce de la première maison nouvellement construite en 1850, logiquement suivie de la seconde venue la prolonger pour constituer le nouveau château ou fier « castel » couronné de ses deux pavillons. Ses principales pièces et satellites ont pu être identifiés dans leur fonction originelle. Plusieurs sources d’inspiration évoquées par le propriétaire lui-même dans ses papiers personnels (faisant part de visites, prises de notes précises) puisent à des modèles aixois, varois, et même d’autres provinces insoupçonnées, aristocratiques comme ruraux. Enfin, au registre des avancées de la connaissance figurent les noms des constructeurs, artisans et architecte d'une partie de La Colle Noire. Cette démarche s'est également appliquée au paysage du domaine et à une partie de la collection d’œuvres d’art constituée par Poulle entre Aix, Draguignan et Montauroux.
 
Dossier actuellement réservé à la communication interne de la société des Parfums Christian Dior.