Marignane et son château aux XVe et XVIe siècles d’après les titres de la maison ducale de Bourbon
Avril
2019
Il y
a dix ans maintenant ont été entamées les campagnes de recherches et d'études
des documents authentiques destinées à alimenter l'histoire et la conservation
du patrimoine marignanais. L'association des Amis de Marignane et de la
Provence a ainsi initié cette série en 2009, poursuivie jusqu'en 2017, année
marquée par le dépouillement des registres de Jean Bertrand, notaire à
Marignane de 1529 à 1560. Les recherches corollaires à cette étude s’étaient
montrées riches en perspectives, puisque avait été repéré à cette occasion un
inventaire du château de Marignane daté (mais par erreur) des environs de 1515,
répertorié parmi les titres de la maison ducale de Bourbon. Cet ensemble
archivistique se trouve lui-même inclus dans le fonds de la cour des comptes du
parlement de Paris versé aux Archives nationales. La nécessité de sa
consultation s'est rapidement exprimée, et bien évidemment imposée comme suite
logique à ce travail au long cours. L'implication de la ville de Marignane et
de sa direction culturelle s'est dès lors avérée nécessaire pour assurer la
mise en œuvre d'une mission, puis d'une étude d'un ensemble qui semblait devoir
quelque peu bousculer de fragiles certitudes historiques sur le Marignane médiéval
et renaissant. En janvier 2019 s'est donc réalisé à Paris ce relevé, suivi de
la transcription de 36 documents, rédigés en latin médiéval pour une bonne
moitié d'entre eux. Ils côtoient les papiers touchant toutes les possessions de
l'apanage des ducs de Bourbon, parmi lesquelles il faut désormais compter la
terre et seigneurie de Marignane. Leur mise en contexte, leur classement chronologique,
parfois leur re-datation, ont été aussi indispensables que l'identification de
leur auteur. L'intérêt de la ville pour ces archives datées de 1402 à 1530,
paraissait manifeste, au regard d'un fonds communal ne remontant pas au-delà
des années 1550. D'autre part, la littérature érudite disponible sur le sujet,
encore empreinte de l'héritage intellectuel du XIXe siècle, se présente à la fois
comme anachronique pour tout chercheur ou curieux d'aujourd'hui, et surtout
approximative quant à ses sources. René dit le Bâtard de Savoie, comme sa
demi-sœur Louise, présentés comme seigneur et dame de Marignane à partir de
1516, ne semblent, d'après les archives nationales, n'y tenir le rang décrit ou
n'y intervenir que bien plus tard. Quant aux principaux protagonistes du
dossier ouvert par extraction de l'ancien fonds des ducs de Bourbon, ils
brillent tout simplement par leur absence des monographies locales, que ce soit
cet Antoine de Varey, vendeur, ou ces « seigneur et dame duc et duchesse » de
Bourbonnais et d'Auvergne, acquéreurs de terres provençales qu'on sait
désormais aux mains d'une certaine Anne de France en 1517 et de son gendre le connétable.
C'est en effet, dès la première lecture, ce qui ressort de l'inventaire dressé
en 1874 par Albert Lecoy de La Marche des « titres de la maison ducale de
Bourbon ». Ce paléographe célèbre pour ses travaux sur le roi René s'est attelé
à une tâche laissée inachevée au décès de son prédécesseur Alphonse
Huillard-Bréholles. Ce dernier avait été missionné par le ministre impérial
pour un premier tome paru en 1867, celui des « Titres de la maison ducale de
Bourbon. Inventaires et documents publiés par ordre de l'Empereur sous la
direction de M. la Marquis de Laborde ». C'est grâce à leurs travaux qu'ont émergé,
concernant Marignane, titres de propriété, actes d'acquisition, de prise de
possession, de vente des fruits ou usufruits de la seigneurie, correspondance
sur son état et ses revenus, copies d'actes anciens aliénant certains biens,
inventaires. A partir des 36 documents produits pour et en conséquence de cette
acquisition, s'est opérée une collecte et un archivage de clichés numériques.
Une transcription de chaque pièce a conduit, pour celle qui le nécessitait, à
une traduction du latin médiéval, puis à une extraction d'informations selon
qu'elles alimentent une histoire seigneuriale, communale, personnelle, celle
d'un lieu-dit ou d'un élément du patrimoine bâti. L’étude met ainsi à jour et
précise la succession des seigneurs et dames du lieu, de François de Baux, son
frère Guillaume de Baux, Yolande d’Aragon, Barthélemy Valori, Césarie
d’Arlatan, Gabriel Valori, Louis Valori, Charles du Maine, René d’Anjou, Jean
Cossa, René Cossa, Antoine de Varey, Jean Panisse, jusqu’à Anne de France,
Suzanne de Bourbon, Charles de Bourbon, François Ier, Louise de Savoie, de même
que celle des fermiers de la seigneurie au début du XVIe siècle, de Louis Balbe
de Berton d’Avignon, Charles Bouquier de Marseille, Louis de Malleville de
Marignane, à Antoine Coriolis d’Aix. Y interviennent également d’éminentes
personnalités, indirectement comme le banquier lyonnais Thomas Gadagne, ou
directement comme Pierre Filholi, archevêque d’Aix, Pierre Lestra, secrétaire
des ducs de Bourbon, ou encore Jacques Cornillier, auditeur des comptes de
Louise de Savoie. La masse (et manne) documentaire exploitée apporte un
inestimable éclairage sur le patrimoine local et l’histoire communale, qu’il
s’agisse de celle de la communauté, de son conseil, ses greffiers et ses
notaires (dont la filiation a pu être en grande partie reconstituée de 1400 à
1565), ou de celle du territoire. Un état est ainsi dressé de la ville fortifiée,
du château, de sa bibliothèque (inventoriée en 1521, et rassemblant de nombreux
incunables issus des presses lyonnaises), de son grand jardin, des moulins, du
quartier du Devens, de l’étang de Bolmon, du bourdigue, des marais de la Palun,
du salin du Lion, de l’actuelle commune de Gignac-la-Nerthe. Des pistes de
futures recherches en ont émergé : la reprise de l’étude sur le retable
Renaissance malencontreusement associé aux Savoie alors que sa datation (et son
iconographie) coïncident précisément avec la période de possession d’Anne de
France, la poursuite des recherches sur la fondation de la chapelle Notre-Dame
du Devens d’après les nouvelles indications sur le site de son implantation, l’éventuelle
mise en évidence par l’archéologie de quelques projets arrêtés par le conseil
de Louise de Savoie. Soucieuse de rendre accessible le dossier aux publics et
aux chercheurs, la direction des affaires culturelles en a fait déposer un exemplaire
aux archives communales, consultable sur demande.
Renseignements :
Direction
des affaires culturelles de la ville de Marignane
53
avenue Jean Mermoz – 13700 Marignane
04
42 31 12 42
Archives
municipales de Marignane
Bibliothèque
Jean d’Ormesson
Avenue
de Figueras - 13700 Marignane
04
42 31 12 40