Le blog d’un chercheur et formateur en histoire de l’art

Le blog d’un chercheur et formateur en histoire de l’art
en Provence… et ailleurs


L’art où, par qui, et comme il s’est fait.
Les articles régulièrement postés ici rendent compte d’une activité de recherche, de publication et de conception d’outils pédagogiques.
Ce blog déroule une vision concrète et sensible de l’histoire de l’art entrevue dans ses relations de proximité avec un territoire, avec des artistes parfois surpris dans leur travail d’atelier.
Une collection de monographies sur des peintres méconnus invite à (re)découvrir un patrimoine parfois insoupçonné en Provence. Des publications et des conférences en communiquent les récentes mises à jour. Des dossiers d’étude à destination des collectivités contribuent à la connaissance, aux décisions de conservation et aux choix de mise en valeur d’œuvres longtemps ignorées voire remisées.
Un ensemble de supports et matériels pédagogiques s’adresse à des publics divers, allant de l’outil de médiation à l’objet de formation.

Patrick Varrot
Formation, recherches et publications en histoire de l'art
Marseille
Pour tout contact: patrick.varrot@wanadoo.fr

dimanche 2 août 2020

Dossiers d’étude

Marignane et son château du XIVe au XVIe siècle d’après les registres de la chambre royale des comptes

Mai 2020

Comme suite aux travaux engagés en 2019 sur les archives parlementaires documentant le château et la seigneurie de Marignane dans leurs états les plus anciens, la ville et sa direction culturelle ont souhaité s’intéresser au fonds du parlement de Provence. Un dossier d’étude a donc été convenu à partir de la sélection de douze documents essentiels sommairement inventoriés au XIXe siècle par l’archiviste du département Louis Blancard. Tous ont fait l’objet d’une transcription, et, pour les pièces rédigées en latin, d’une traduction. Ils couvrent la période la période de 1309 à 1555 et comprennent les serments de fidélité des frères Bertrand et Gilbert de Baux, ainsi que ceux de leur descendant François de Baux enregistrés en 1385 et 1399. Mais les actes les plus scrutés ont été extraits des registres de reconnaissances, précurseurs des cadastres, établis pour Césarie d’Arlatan et Gabriel Valori entre 1440 et 1444, puis Charles du Maine entre 1458 et 1465, enfin pour le président de la cour des comptes en 1526, alors en charge de la gestion d’une seigneurie passée sous mainmise royale. C’est à vrai dire cet ensemble de pièces qui avait attiré l’attention, incluant un inventaire exhaustif des biens féodaux, dont le château encore médiéval, objet d’une inédite description. Il vient compléter une série de baux emphytéotiques accordés en 1519 au nom du roi par une chambre des comptes qui, générait et témoignait ainsi précisément des plus anciennes campagnes d’aménagement des abords du château médiéval à l’aube de la Renaissance. S’ensuivent des contrats d’arrentement des plus précieux pour la connaissance des occupants et acteurs locaux de la vie de la bâtisse et de son domaine, jusqu’au pléthorique rapport d’expertise de 1555.  Dressé dans le cadre du procès introduit au parlement par Françoise de Foix pour demander le remboursement par les caisses royales de tous les travaux de réparation et de transformation,  il propose une visite par le menu et les dimensions de ce qui apparaît, à travers les lignes des maîtres artisans sollicités, comme une véritable résidence aristocratique du XVIe siècle. La documentation semble désormais assez complète pour proposer un premier plan du château médiéval, ainsi qu’une configuration de la nouvelle bâtisse renaissante. Et au-delà, un portrait de plus en plus net du domaine et du terroir, en commençant par la découverte d’une « antique muscatelle » à l’origine du grand jardin ou « viridarium » seigneurial, déjà pourvu d’un colombier. Au registre des aménagements urbains, plusieurs données sont venues éclairer les rapports des interventions d’archéologie préventive de 2010, comme la localisation et la description assez précise des fosses de la ville, peu à peu couvertes d’une ceinture de jardins, ainsi que l’existence d’une « porte fausse » ouvrant le rempart à la vue du château, jusqu’à présent totalement ignorée. Enfin sont apparues les origines des « appartements neufs » du château aménagés sous Jean-Baptiste II de Covet au Grand Siècle, sur une ancienne « antiplace » prolongée par un « plan del foris » occupé par le palais moderne orienté vers le parc en lequel a été converti l’ancien « viridarium ». Au travers de toutes ces étapes suivies par la plume de notaires, conseillers ou maîtres rationaux, s’est révélée l’ossature du château des Covet, déjà orienté vers le sud-est et sa basse-cour devenue cour d’honneur dès le XVIe siècle (on y découvre une nouvelle entrée traitée en arc de triomphe). Le monument marquera celui de cette famille de marchands dès les premières années du XVIIe siècle. Mais les documents antérieurs ici convoqués font déjà état de l’arrivée massive de cette classe de rentiers, ainsi que la montée en puissance de nouveaux notables acquéreurs et bâtisseurs au siècle précédent.

Soucieuse de rendre accessible le dossier aux publics et aux chercheurs, la direction des affaires culturelles en a fait déposer un exemplaire aux archives communales, consultable sur demande.

 
Renseignements :
Direction des affaires culturelles de la ville de Marignane
53 avenue Jean Mermoz – 13700 Marignane
04 42 31 12 42

Archives municipales de Marignane
Bibliothèque Jean d’Ormesson
Avenue de Figueras - 13700 Marignane
04 42 31 12 40

Matériels pédagogiques : métiers, savoir-faire et techniques artistiques

L’atelier du peintre

Un ensemble d’artefacts pour le musée du Petit Palais d’Avignon


Dans le cadre de la préparation de l’exposition parcours « L’atelier du peintre », la conservation du musée du Petit Palais a souhaité concevoir une salle introductive aux œuvres, dédiée au « Peintre au travail ». Six modules garniront ainsi les vitrines de cette première étape d’un parcours consacré à la vie et aux pratiques des ateliers de peintres en Italie du XIVe au XVIe siècle.

Un ensemble d’artefacts permettra donc d’appréhender de manière concrète les techniques, procédés, matières et produits mis en œuvre sur les chantiers de décors muraux et sur les panneaux de bois comme principaux supports de la peinture de chevalet. Quand elles sont nécessaires à la compréhension, les phases de travail imperceptibles sur les œuvres finies ont été rendues visibles par des séquences volontairement inachevées ou des juxtapositions de matières premières et de produits transformés.

Le base de ce travail reste les témoignage des artistes eux-mêmes, collectés à travers leurs traités et manuels, ainsi que les résultats des examens et analyses préalables à la restauration de certaines de leurs œuvres.

S’enchaînera ainsi la découverte du support de peinture murale, du support de peinture sur panneau, des procédés de report du dessin, des outils du dessin et de la peinture, des techniques d’ornement et de dorure, la composition d’une couche picturale.

Parmi les réalisations à voir, cohabiteront un panneau enduit et peint à fresque sur plaque de brique, un échantillonnage chaux aérienne en roches, de calcaire en roches avant cuisson, de marbre et travertin, de sables des trois couleurs catégorisées depuis l’antiquité pour les enduits.

Aux côtés d’un panneau de bois de peuplier encollé, entoilé et enduit, se déploieront une pièce de toile de lin, un échantillonnage de gypse de Bologne, de gypse en roches avant cuisson, de Colle de peau et colle de parchemin en blocs, de rognures de peaux et parchemins crues, puis cuites, une pierre ponce volcanique, un demi os de seiche, un bouchon confectionné en tiges de prêle, le tout employé au ponçage des panneaux.

Au registre de la préparation graphique de l’œuvre peinte dialogueront un poncif de papier chiffon tracé à la pierre noire, une aiguille de fer montée sur fuseau de bois, un spolvero de toile de lin rempli de poudre de charbon, un patron de papier chiffon tracé à la pierre noire passé au charbon au revers, un stylet de bois de buis, un patron de papier chiffon ciré, un pochoir de parchemin huilé, et un panneau de bois de peuplier mis en œuvre selon les techniques de report ainsi évoquées.

Tout l’attirail, fabriqué, monté par éléments ou simplement utilisé par l’atelier mettra en évidence une véritable économie de l’outillage au travers un stylet d’os, des bâtonnets de saule coupés, écorcés et liés au fil de laiton, les charbons obtenus après carbonisation, la pierre noire brute et façonné en crayon, une brosse de soies de porc montée comme au moyen âge, un pinceau moyen de soies de porc, un pinceau fin de petit gris, le tout procédant d’un assemblage de hampes de bois, tuyaux de plumes d’aigle, d’oie, de poule ou de pigeon, soies de porc blanc, poils de queue de petit gris, fils de lin ou de soie cirés.

Mis en œuvre pour les ornements, se rapprocheront bol d’Arménie, feuilles d’or et d’argent, motif ornemental découpé dans une feuille d’étain dorée à la feuille, motif ornemental découpé dans une feuille d’étain dorée à l’aloès et au safran, d’après une recette de « liqueur à dorer » reconstituée aux côtés de ses ingrédients, huile de lin, sandaraque, aloès et safran. Un coussinet de doreur voisinera avec une palette à dorer de petit gris, une patte de lièvre, un brunissoir d’agate, une dent de sanglier et un poinçon ornemental à motif floral.

Les méthodes d’obtention des liants protéiniques composant la couche picturale se comprendront à travers une éponge de mer, un fouet de bruyère, un filtre conique de toile de lin, des taillures de figuier. Huile de lin crue, clarifiée, cuite, huile de noix, gomme arabique, gomme adragante et véritable colle d’esturgeon complèteront la gamme. Une collection de 33 pigments historiques sera volontairement parasitée par certaines matières premières ou petits dispositifs détaillant les procédés d’obtention les plus courants (lames de métaux oxydées, os blanchis et calcinés, comme les sarments, teintures travaillées en laques, comme celles du safran, de la gaude, de l’indigo, de la guède ou du folium). Quelques incursions minéralogiques ponctueront le module, à travers des blocs d’azurite, de céladonite, chrysocolle, cinabre, hématite, lapis-lazuli, malachite, ocre brun, ocre jaune, orpiment, pierre noire et de réalgar.

Enfin, un choix de composants de vernis (huiles de lin et de noix, sandaraque, mastic, colophane, térébenthine de Venise, térébenthine de Strasbourg) évoquera les effluves saturant l’atelier à l’achèvement des peintures, expérience qui sera d’ailleurs discrètement proposée à travers un boîtier olfactif posé en « hors d’œuvre », invitant à ensuite à en découvrir celles de la collection, avec un autre regard.

 

L’ensemble sera scénographié par l’agence Saluces habituellement sollicitée pour les expositions du musée, et devrait accompagner la présentation des collections permanentes à l’issue de l’exposition.

Renseignements
Musée du Petit Palais
Palais des Archevêques – Place du Palais des Papes
84000 AVIGNON
04 90 86 44 58