Le blog d’un chercheur et formateur en histoire de l’art

Le blog d’un chercheur et formateur en histoire de l’art
en Provence… et ailleurs


L’art où, par qui, et comme il s’est fait.
Les articles régulièrement postés ici rendent compte d’une activité de recherche, de publication et de conception d’outils pédagogiques.
Ce blog déroule une vision concrète et sensible de l’histoire de l’art entrevue dans ses relations de proximité avec un territoire, avec des artistes parfois surpris dans leur travail d’atelier.
Une collection de monographies sur des peintres méconnus invite à (re)découvrir un patrimoine parfois insoupçonné en Provence. Des publications et des conférences en communiquent les récentes mises à jour. Des dossiers d’étude à destination des collectivités contribuent à la connaissance, aux décisions de conservation et aux choix de mise en valeur d’œuvres longtemps ignorées voire remisées.
Un ensemble de supports et matériels pédagogiques s’adresse à des publics divers, allant de l’outil de médiation à l’objet de formation.

Patrick Varrot
Formation, recherches et publications en histoire de l'art
Marseille
Pour tout contact: patrick.varrot@wanadoo.fr

mardi 9 février 2016

Dossiers d’étude

La Pietà de Pourrières : un triptyque anversois du XVIe siècle en Provence

Dossier d’étude autour d’une attribution au Maître du Fils Prodigue

Décembre 2015

Attendu et initié par la commune propriétaire, en collaboration avec l’association culturelle L’Opéra au village, ce dossier reprend le fil d’une histoire, finalement contemporaine. Il prend ses racines dans les interrogations nées à l’observation de ces trois panneaux, manifestes restes d’un triptyque de dimensions relativement moyennes. Les jalons de cette « redécouverte » ne remontent pas avant les années 1980. A cette période, Jean de Gaspary, propriétaire du couvent des Minimes du lieu, signale la présence et l’intérêt de l’œuvre reléguée dans la sacristie de l’église paroissiale Saint-Trophime. Publiée en 1987 dans un répertoire annexe au catalogue de l’exposition « La peinture en Provence au XVIe siècle », elle ne bénéficiait jusqu’à récemment que d’une dizaine de lignes constituant une notice plus qu’interrogative sur ses « caractéristiques flamandes assez fortes ». Un classement au titre des Monuments historiques en 1998 n’apporta guère d’informations supplémentaires et ne suscita guère plus d’intérêt autour de cette peinture rendue au regard public dans un bas côté de l’église de Pourrières. Une restauration engagée en 2012-2013, les premiers pas d’une recherche historique enclenchée par Alain Paire, diffusée en ligne au dernier trimestre 2014 après la remise en place des panneaux peints, ont été décisifs pour l’inscription de la « Pietà » au cœur des préoccupations de la communauté scientifique. Assez rapidement, sa sollicitation de Cécile Scailliérez, conservateur en chef du département des peintures du musée du Louvre, chargée des écoles des Flandres, de Hollande des XVe et XVIe siècles, des œuvres françaises du XVIe siècle, permit l’attribution des panneaux au Maître du Fils Prodigue, obscur artiste ou atelier anversois actif entre 1530 et 1560. C’est à partir de cette attribution qu’a été proposée l'étude lui restant redevable. Durant la phase préparatoire de ce travail scientifique, un certain nombre de questions se sont posées à la commune représentée par ses élus, à ses acteurs culturels et tout un chacun côtoyant au quotidien une œuvre d’art dont l’intérêt venait soudainement de revêtir une envergure internationale. Des réponses sont, à travers ce dossier, formulées à partir d’un dépouillement ciblé des archives communales, notariales et épiscopales. Au chapitre des interrogations prioritaires est traitée la question de la provenance, de la date et des conditions de l’arrivée de l’œuvre à Pourrières, destination a priori inattendue pour un triptyque désormais associé à la production des très prolifiques « maniéristes anversois ». L’intuition de Monsieur Paire tend ici à se confirmer après transcription des documents historiques (notamment les procès verbaux des visites des archevêques d’Aix, peu connus des érudits pourriérois). « Sans pour autant détenir la plus petite preuve à ce propos, on peut avancer l'hypothèse que ce serait Antoine de Glandevès, le grand et presque unique personnage du XVIe siècle dans ce village varois, qui effectua la commande de ce triptyque » avançait-il prudemment en 2014. L’ombre de son beau-père, Jean Maynier d’Oppède (dont est ici identifié le triptyque –également anversois- récemment réapparu sur le marché de l’art), et le rôle peut-être déterminant de son épouse, la proximité assez manifeste du noble prieur de l’église, l’assez méconnu Perrinet de Rovigliasc, pourraient également faire partie d’un scénario plausible autour de l’acquisition du triptyque. Dans le cadre de cette approche historique, il convenait également de déterminer les circonstances de la transformation visible d’un triptyque originel en tableau recomposé tel qu’il fut confié aux restaurateurs Gilles Kelifa pour la peinture, et Philippe Hazaël-Massieux pour le support de bois. C’est par ailleurs administrativement une « Descente de croix » qui leur était remise, publiée comme « Pietà », que nous proposions initialement d’étudier comme une « Déposition de croix ». Face à la confusion générée par ces diverses appellations, il s’avérait indispensable de proposer, ou en tout cas d’éclaircir, le sujet et l’identité iconographique de la peinture. Celle du peintre, souvent sollicitée comme étalon de valeur, nécessitait l’appel à un très grand nombre de publications consacrées à ce « Maître » supposé anversois identifié en 1909 et dont le catalogue se trouve aujourd’hui saturé et jugé confus. Quelle place y accorder, par conséquent, à l’œuvre de Pourrières, dernière arrivée en date par analogie avec sa sœur jumelle signalée au musée de Cologne par Madame Scailliérez ? L’existence de cette autre version, la profusion des variantes d’une composition émaillant le corpus (même rapidement parcouru) du Maître du Fils Prodigue invitait évidemment à la recherche d’un ensemble de semblables. Répertoriées au nombre de quinze, versions et variantes de la « Pietà » de Pourrières, ont été localisées en Allemagne, Belgique, Espagne, Grande-Bretagne, aux Pays-Bas. La démarche historique et scientifique attendue obligeait également à interroger, en contrepartie, un certain nombre de contextes locaux : Pourrières au XVIe siècle, la peinture à Pourrières, la peinture en Provence entre 1530 et 1560, peintres et œuvres anversois en Provence au XVIe siècle.

Renseignements
Mairie de Pourrières
M. le Maire
Place Jules Michel
83910 Pourrières
04 98 05 11 70