La Pietà de Pourrières : un triptyque anversois du XVIe siècle en Provence
Dossier d’étude autour d’une attribution au Maître du Fils Prodigue
Décembre 2015
Attendu et initié par la commune propriétaire, en
collaboration avec l’association culturelle L’Opéra au village, ce dossier
reprend le fil d’une histoire, finalement contemporaine. Il prend ses racines
dans les interrogations nées à l’observation de ces trois panneaux, manifestes
restes d’un triptyque de dimensions relativement moyennes. Les jalons de cette
« redécouverte » ne remontent pas avant les années 1980. A cette
période, Jean de Gaspary, propriétaire du couvent des Minimes du lieu, signale
la présence et l’intérêt de l’œuvre reléguée dans la sacristie de l’église
paroissiale Saint-Trophime. Publiée en 1987 dans un répertoire annexe au
catalogue de l’exposition « La peinture en Provence au XVIe siècle »,
elle ne bénéficiait jusqu’à récemment que d’une dizaine de lignes constituant
une notice plus qu’interrogative sur ses « caractéristiques flamandes
assez fortes ». Un classement au titre des Monuments historiques en 1998
n’apporta guère d’informations supplémentaires et ne suscita guère plus
d’intérêt autour de cette peinture rendue au regard public dans un bas côté de
l’église de Pourrières. Une restauration engagée en 2012-2013, les premiers pas
d’une recherche historique enclenchée par Alain Paire, diffusée en ligne au
dernier trimestre 2014 après la remise en place des panneaux peints, ont été
décisifs pour l’inscription de la « Pietà » au cœur des préoccupations
de la communauté scientifique. Assez rapidement, sa sollicitation de Cécile
Scailliérez, conservateur en chef du département des peintures du musée du
Louvre, chargée des écoles des Flandres, de Hollande des XVe et XVIe siècles,
des œuvres françaises du XVIe siècle, permit l’attribution des panneaux au
Maître du Fils Prodigue, obscur artiste ou atelier anversois actif entre 1530
et 1560. C’est à partir de cette attribution qu’a été proposée
l'étude lui restant redevable. Durant la phase préparatoire de ce travail
scientifique, un certain nombre de questions se sont posées à la commune
représentée par ses élus, à ses acteurs culturels et tout un chacun côtoyant au
quotidien une œuvre d’art dont l’intérêt venait soudainement de revêtir une envergure
internationale. Des réponses sont, à travers ce dossier, formulées à partir
d’un dépouillement ciblé des archives communales, notariales et épiscopales. Au
chapitre des interrogations prioritaires est traitée la question de la
provenance, de la date et des conditions de l’arrivée de l’œuvre à Pourrières,
destination a priori inattendue pour un triptyque désormais associé à la
production des très prolifiques « maniéristes anversois ».
L’intuition de Monsieur Paire tend ici à se confirmer après transcription des
documents historiques (notamment les procès verbaux des visites des archevêques
d’Aix, peu connus des érudits pourriérois). « Sans pour autant détenir la plus
petite preuve à ce propos, on peut avancer l'hypothèse que ce serait Antoine de
Glandevès, le grand et presque unique personnage du XVIe siècle dans ce village
varois, qui effectua la commande de ce triptyque » avançait-il prudemment
en 2014. L’ombre de son beau-père, Jean Maynier d’Oppède (dont est ici
identifié le triptyque –également anversois- récemment réapparu sur le marché
de l’art), et le rôle peut-être déterminant de son épouse, la proximité assez
manifeste du noble prieur de l’église, l’assez méconnu Perrinet de Rovigliasc,
pourraient également faire partie d’un scénario plausible autour de
l’acquisition du triptyque. Dans le cadre de cette approche historique, il convenait
également de déterminer les circonstances de la transformation visible d’un
triptyque originel en tableau recomposé tel qu’il fut confié aux restaurateurs
Gilles Kelifa pour la peinture, et Philippe Hazaël-Massieux pour le support de
bois. C’est par ailleurs administrativement une « Descente de croix »
qui leur était remise, publiée comme « Pietà », que nous proposions
initialement d’étudier comme une « Déposition de croix ». Face à la
confusion générée par ces diverses appellations, il s’avérait indispensable de
proposer, ou en tout cas d’éclaircir, le sujet et l’identité iconographique de
la peinture. Celle du peintre, souvent sollicitée comme étalon de valeur, nécessitait l’appel à un très grand nombre de publications consacrées à ce
« Maître » supposé anversois identifié en 1909 et dont le catalogue
se trouve aujourd’hui saturé et jugé confus. Quelle place y accorder, par
conséquent, à l’œuvre de Pourrières, dernière arrivée en date par analogie avec
sa sœur jumelle signalée au musée de Cologne par Madame Scailliérez ?
L’existence de cette autre version, la profusion des variantes d’une
composition émaillant le corpus (même rapidement parcouru) du Maître du Fils
Prodigue invitait évidemment à la recherche d’un ensemble de semblables. Répertoriées
au nombre de quinze, versions et variantes de la « Pietà » de
Pourrières, ont été localisées en Allemagne, Belgique, Espagne,
Grande-Bretagne, aux Pays-Bas. La démarche historique et scientifique attendue
obligeait également à interroger, en contrepartie, un certain nombre de
contextes locaux : Pourrières au XVIe siècle, la peinture à Pourrières, la
peinture en Provence entre 1530 et 1560, peintres et œuvres anversois en
Provence au XVIe siècle.
Renseignements
Mairie de PourrièresM. le Maire
Place Jules Michel
83910 Pourrières
04 98 05 11 70